Renforcer l'Adhésion aux Exercices : Stratégies et Conseils pour les Kinésithérapeutes 3/13

Par Guillaume Deville

Introduction

Poursuivons la série de blogs inspirés de l'article de Rachel Chester publié à l'été 2023, dont je vous ai parlé précédemment (👉 ici 👈). Pour rappel, il s’agit d’une revue de portée, ou scoping review, qui a permis d’identifier 13 déterminants clés associés avec une meilleure adhésion aux propositions d’auto-traitement et d’exercices à la maison, comprenez les barrières et les stratégies facilitatrices.

Dans cette série de blog, je vous propose de reprendre un par un chaque déterminant identifié dans l’article. Abordons le 3e déterminant : Le niveau général d’activité physique du patient : les patients plus actifs sont plus observants. Let’s go !

Intérêts

Outre les preuves scientifiques soulignant l'efficacité de cette stratégie pour renforcer l'adhésion des patients, il est utile de comprendre les raisons sous-jacentes. Voici une liste non-exhaustive des raisons que nous pouvons envisager :

  • Un patient qui pratique une activité physique régulière a déjà l’expérience d’organiser son emploi du temps pour intégrer cette activité. Il sait donc que c’est possible et qu’il en est capable.

  • Un patient qui s’organise pour bouger régulièrement a plus de chances d’être déjà convaincu de l’intérêt du mouvement pour sa santé. Notre proposition d’exercices s’intégrera facilement dans son schéma de pensée, sa conception des choses. Elle renforce son biais cognitif, c’est donc un comportement qui sera plus facile à envisager pour lui.

  • Un patient actif physiquement a possiblement plus confiance dans son corps qu’une personne sédentaire et donc moins peur de bouger.

  • Un patient qui fait de l’activité physique a plus de chances d’avoir des équipements (vêtements, tapis, chaussures, élastiques, haltères, etc.) chez lui qui vont lui permettre plus facilement de débuter les exercices que nous lui proposons.

  • L’entourage familial d’un patient qui pratique une activité physique régulière est habitué à ce qu’il y dédie du temps ce qui peut éviter de créer un chamboulement dans le planning de l’organisation familiale.

  • Un patient qui pratique une activité physique régulière a des chances de le faire avec une ou plusieurs personnes qui pourront être motrices dans le démarrage ou la poursuite de ce que nous allons lui proposer.

  • Il arrivera souvent que le problème de la personne empêche ou au moins perturbe son activité physique. Cette pratique pourra alors être une des sources de motivation pour aller mieux et donc, pour la personne, de trouver les moyens de mettre en place les exercices. 

  • Toutes les raisons de cette liste peuvent évidemment être tournées à l’inverse en débutant la plupart des phrases comme suit : “Un patient sédentaire qui ne pratique pas d’activité physique a moins…”

  • Un patient sédentaire, qui ne pratique pas d’activité physique a plus de risques d’avoir un mauvais rapport avec son corps, et donc une moins bonne connaissance de son corps et moins de facilité à en prendre soin.

  • Un patient sédentaire, qui ne pratique pas d’activité physique a plus de risques d’avoir un mauvais rapport à l’activité physique avec par exemple une association négative avec son vécu. Par exemple ça pourra être le cas pour quelqu’un qui était en difficulté au collège lors des cours d’EPS par exemple, voire même qui subissait les moqueries de ses camarades.

  • Une fois encore, cette liste n’est évidemment pas exhaustive ! Partagez-moi vos idées sur X et Instagram.

Idées de stratégies pratiques

Nous pourrions nous dire que le niveau d'activité physique d’un patient ne dépend pas de nous. Il se présente à nous avec une certaine habitude de pratique et nous devons juste faire avec. Devrions-nous en conclure que nous avons aucune influence sur ce déterminant n°3 ? Je vous propose d’y réfléchir tout de même un instant en divisant notre focus d’abord sur les ‘patients actifs’ et ensuite sur les ‘patients non-actifs’.

Quoi faire en pratique avec nos ‘patients actifs’ ?

S’appuyer sur leurs ressources internes : 

  • Nous pouvons leur demander les qualités qu’ils se connaissent et sur lesquelles ils peuvent s’appuyer pour arriver à mettre en place leurs exercices. Si il est difficile pour eux d’identifier leurs qualités, nous pouvons les faire réfléchir à des réussites antérieures en suivant ces étapes : 

    • Question ouverte : “Comment par le passé avez-vous réussi à poursuivre votre activité physique dans des périodes où c’était plus compliqué ?” 

    • Quelques reflets et questions pour que la personne développe sur cette situation difficile qu’elle avait réussi à surmonter, pour renforcer son sentiment d’efficacité personnelle.

    • Question ouverte : “Sur quelles qualités vous êtes-vous appuyé pour arriver à faire ça ?”

    • Si la personne n’arrive pas à trouver des qualités, nous pouvons lui partager celles qui nous viennent en tête en écoutant son histoire et sur lesquelles elle va pouvoir s’appuyer pour arriver à pratiquer ses exercices à la maison : “Par rapport à ce que vous m’avez dit, vous êtes quelqu’un de courageux, persévérant, organisé, etc.”

    • Question ouverte : “Comment ces qualités pourraient vous aider par rapport à vos exercices ?”

  • Nous pouvons nous appuyer sur leur expérience en leur demandant : 

    • Ce qu’ils connaissent déjà comme exercices qui pourraient les aider cette fois-ci et en régulant si besoin avec un DDPD
      🍿👉 Découvrez ou re-découvrez l’outil DDPD de l’Entretien Motivationnel sur cette série de vidéos courtes.

    • Comment ils s’y prennent pour arriver à intégrer une routine d’activité physique dans leur agenda.

S’appuyer sur leurs ressources externes 

  • Celles qu’ils utilisent déjà pour arriver à pratiquer une activité physique ou toute autre chose qu’ils arrivent à intégrer dans leur agenda.

  • Les faire réfléchir à des ressources externes supplémentaires : 

    • “Qui pourrait vous aider à {résoudre la problématique ou le frein identifié} ?” 

    • “De quoi avez vous besoin pour {résoudre la ou le frein identifié} ?” 

Quoi faire en pratique avec nos ‘patients non-actifs’ ?

S’appuyer sur leurs ressources internes/intrinsèques : 

  • Les qualités qu’ils se connaissent et sur lesquelles ils peuvent s’appuyer pour arriver à mettre en place leurs exercices. Nous pouvons ici encore les faire réfléchir à des réussites antérieures en suivant ces étapes : 

    • Question ouverte : “Qu’est-ce que vous avez déjà réussi à faire dans votre vie comme chose qui vous paraissait très difficile à atteindre et que vous avez réussie ?” 

    • Quelques reflets et questions pour que la personne développe sur cette situation difficile qu’elle avait réussi à surmonter, pour renforcer son sentiment d’efficacité personnelle.

    • Question ouverte : “Sur quelles qualités vous êtes-vous appuyé pour arriver à faire ça ?”

    • Si la personne n’arrive pas à trouver des qualités, nous pouvons lui partager celles qui nous viennent en tête en écoutant son histoire et sur lesquelles elle va pouvoir s’appuyer pour arriver à pratiquer ses exercices à la maison : “Par rapport à ce que vous m’avez dit, vous êtes quelqu’un de courageux, persévérant, organisé, etc.”

    • Question ouverte : “Comment ces qualités pourraient vous aider par rapport à vos exercices ?”

  • Nous pouvons nous appuyer sur leur expérience en leur demandant : 

    • S’ils ont déjà pratiqué une activité physique et ce que ça leur apportait pour potentiellement renforcer l’intérêt de notre proposition de mouvements, et aussi reprendre les points envisagés plus hauts pour les personnes actives

    • Comment ils s’y prennent actuellement ou dans le passé pour arriver à intégrer une ou plusieurs activités régulières dans leur agenda en dehors de leurs obligations professionnelles ou familiales. Je ne parle pas d’activité physique ici.

S’appuyer sur leurs ressources externes/extrinsèques

  • Celles qui les aident à intégrer des activités non physiques dans leur agenda.

    • “Qu’est-ce qui vous aide à arriver à maintenir cette activité ?”

    • “Sur qui vous pouvez vous appuyer pour maintenir cette activité ?”

  • Les faire réfléchir à des ressources externes supplémentaires : 

    • “Qui d’autre pourrait vous aider à trouver comment mettre en place des exercices ?” 

    • “Sur quoi d’autre pourriez-vous vous appuyez pour vous faciliter la mise en place des exercices ?” 

Conclusion 

Ce que je vous écris ici est le fruit de mon expérience professionnelle, de mes différentes lectures et probablement aussi de mes expériences personnelles. Il existe de multiples manières d’envisager la problématique et d’y répondre. Il vous appartient de voir comment vous souhaitez tester mes propositions et comment les adapter avec vos mots à vous par exemple. N’hésitez pas à partager vos formulations et toutes vos réflexions avec moi sur les réseaux sociaux X et Instagram. Ces échanges sont toujours d’une grande richesse pour moi et aussi pour les personnes qui les liront.

Cette année, en 2024, je vous proposerai un blog sur chacun des 12 autres déterminants identifiés par Rachel Chester et son équipe. J’espère que ça pourra vous être utile d’une manière ou d’une autre. Au plaisir de lire vos retours et de vous croiser en formation ou ailleurs. Prenez bien soin de vos patients et surtout n’oubliez pas de prendre bien soin de vous.

Référence bibliographique

Chester R, Daniell H, Belderson P, Wong C, Kinsella P, McLean S, Hill J, Banerjee A, Naughton F. Behaviour Change Techniques to promote self-management and home exercise adherence for people attending physiotherapy with musculoskeletal conditions: A scoping review and mapping exercise. Musculoskelet Sci Pract. 2023 Aug;66:102776. doi: 10.1016/j.msksp.2023.102776. Epub 2023 May 29. PMID: 37301059.

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