Valider la souffrance des patients pour débloquer vos prises en soins : le témoignage édifiant d’un soignant.
Introduction
La douleur persistante, souvent invisible, constitue un défi majeur dans nos prises en soins. La validation de cette expérience douloureuse est trop souvent négligée par les soignants. Pourtant, elle peut permettre de débloquer des situations compliquées comme le montre le témoignage que ma partagé un des apprenants de mon e-learning ‘Motiver ses patients à faire leurs exercices à la maison’.
Le témoignage d'un kinésithérapeute : une révélation édifiante !
"Bonjour, puisque tu l'as proposé, je me permets de partager une expérience récente : une prise en charge où j'étais allé directement au médical et où nous n'avancions pas, très freinés par des croyances qui me semblaient insurmontables et un contexte d'accident du travail, de souffrance au travail et d'échec de retour au travail. Jusqu'à ce qu'à la 5ème séance, je lui pose une question ouverte sur le début de ses douleurs et de ses différents accidents : 'Pouvez-vous me refaire une échelle temporelle de tout ce qui vous est arrivé depuis le tout début ?' Elle m'a parlé non-stop pendant une demi-heure ! J'ai tout noté devant elle, en acquiesçant tout le long. Je lui demande alors : 'Mais pensez-vous que vous pouvez guérir ?' Elle me répond : 'Ah non, c'est sûr que non.' 'D'accord, mais qu'attendez-vous de moi alors ? Sans guérir complètement, on peut améliorer votre situation quand même ?' 'Ah oui, diminuer mes douleurs, oui, voilà.' J'étais choqué de sa réponse, je ne m'attendais tellement pas à ça. Et je ne savais pas quoi faire la prochaine fois, mais elle est venue complètement changée, 'elle avait eu une discussion avec son corps', je cite. Elle s'était mise à faire mes exercices, elle en avait rajouté plein et elle avait moins mal. La séance d'après, encore plus d'exercices et moins de douleurs. Et nous arrêtons aujourd'hui parce qu'elle est, pour ainsi dire, guérie. Elle avait souffert de ne pas être crue/écoutée après ses accidents. C'était ce qu'il manquait pour qu'elle puisse accepter une prise en charge... édifiant."
Quel est votre ressenti ?
Je vous propose de prendre une minute pour digérer ce témoignage : qu’en pensez-vous ?
Est-ce qu’il vous surprend ? Remet-il en cause votre vision des choses ? Si c’est le cas, prenez garde à vos pensées automatiques qui risquent affluer pour tenter de rétablir une cohérence entre vos actes et votre compréhension du sujet ! En d’autres termes, si vous n’avez pas l’habitude d’utiliser la démarche partagée par l’auteur du témoignage, votre cerveau va produire des pensées pour justifier votre comportement habituel et éventuellement rejeter des éléments du témoignage. Vous êtes alors sujet au phénomène de dissonance cognitive (👉 blog sur le sujet 👈). Et comme vous êtes humain, c’est tout à fait normal. Si vous êtes dans ce cas, je vous propose d’accueillir ces pensées, pour mieux les mettre de côté un instant, et pouvoir envisager ce qui suit avec curiosité.
Mais peut-être que ce témoignage ne vous surprend pas du tout. Peut-être que vous êtes comme moi et qu’il vous rappelle des expériences cliniques. Et donc au contraire, il confirme votre vision des choses.
La Science derrière la Validation de la Douleur
Comme ce témoignage confirme ce en quoi je crois, il m’a semblé sain d’aller la confronter aux données actuelles de la science. Dans ma recherche d’articles récents qui abordent le sujet, celui publié par Nicola et al. en 2022 est beaucoup ressorti. En effet, il offre un cadre théorique qui peut aider à comprendre pourquoi cette approche a été si efficace. D’après les auteurs, la validation de la douleur est un processus en trois étapes :
1. Croire en la réalité de la douleur du patient
2. Accepter l'expression de cette douleur
3. Manifester votre empathie en communicant cette croyance et cette acceptation au patient
Cette validation agit comme un facteur protecteur, réduisant le stress psychosocial associé à la douleur chronique, renforçant le soutien social, atténuant les émotions négatives et renforçant un sentiment d'unité et d'identité partagée. Je vous proposerai peut-être un autre blog en m’inspirant du contenu de cet article. N’hésitez pas à me dire sur mes réseaux sociaux si ce sujet vous intéresse (liens Insta et Twitter).
Implications pour la Pratique Clinique
Dans notre pratique clinique, la validation de la douleur apparait essentielle pour encourager l'adhésion au plan de traitement et ainsi atteindre les objectifs thérapeutiques. Elle semble particulièrement pertinente dans les cas de douleur chronique, où les patients se sentiront régulièrement isolés et incompris. Comme le montre le témoignage de notre confrère kinésithérapeute, une simple question ouverte suivie d’une écoute attentive et active peuvent ouvrir la voie à une meilleure compréhension de l'expérience du patient. Cette compréhension permettra de valider son vécu, et potentiellement de transformer radicalement le parcours de guérison.
En validant l'expérience de la douleur, les thérapeutes peuvent aider les patients à restaurer de la cohérence entre leurs pensées, leurs émotions et leurs comportements. Ce mécanisme les protègera du phénomène de dissonance cognitive lorsque vous chercherez à leur proposer des explications sur le fonctionnement de leur douleur et des stratégies de soins. Il les aidera à donner un sens à leur expérience douloureuse. Autrement dit, cette démarche de validation renforce l’alliance thérapeutique et favorise l’éducation du patient.
« Nobody cares how much you know until they know how much you care. »
Theodore Roosevelt
Traduction adaptée au sujet : Les personnes n’en ont pas grand chose à faire de ce que vous savez (vos connaissances, votre expérience, vos explications, etc.) tant qu’elles ne savent pas que vous vous souciez de ce qui leur arrive.
Conclusion
La validation de la douleur est bien plus qu'une simple reconnaissance de la souffrance du patient. C'est une approche empathique et scientifiquement fondée qui peut transformer la prise en soins de nos patients douloureux. Le témoignage de notre confrère kinésithérapeute et les recherches de Nicola et al. soulignent l'importance de cette validation dans la pratique clinique. En tant que soignants, il est essentiel de reconnaître, de comprendre et de valider l'expérience de la douleur de nos patients pour favoriser leur chemin vers la guérison.
